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‘Without form, how can there be beauty?' (A Passage to India) : dernières inversions de l'écriture devant la forme impossible du décor chez E. M. Forster
Laurent Melletsubject
[SHS.LITT] Humanities and Social Sciences/LiteratureE. M. Forsterdécor[SHS.LITT]Humanities and Social Sciences/Literaturemodernisme[ SHS.LITT ] Humanities and Social Sciences/LiteratureA Passage to Indiadescription
International audience; L'ensemble de l'œuvre romanesque de E. M. Forster pose la question du statut de l'écriture, encore victorienne ou bien déjà moderniste, entre le visible et l'invisible, le commentaire et le non-dit, et met au jour les ambivalences de l'ancrage du texte littéraire dans l'espace. Cette œuvre s'achève en 1924 avec A Passage to India. Dans ce roman, il n'est pas que le propos idéaliste de l'auteur qui se fasse plus lisible ; l'écriture ose également emprunter de nouvelles formes, en particulier pour permettre à l'espace, au décor, de surgir avec force aux yeux du lecteur, jusqu'alors habitué à lire l'invisible et à deviner ce que le texte ne disait pas. Le décor renvoie d'abord aux modalités d'une vision purement touristique de l'Inde et des Indiens, codée et faussée. Ainsi la description, elle aussi relativement nouvelle pour l'écriture forstérienne, révèle un ancrage spatial inadéquat et artificiel, telle cette frise sous la forme de laquelle l'Inde semble simplement se donner aux yeux d'Adela Quested. Alors que la vision tentera de s'affiner, et ce, comme toujours chez Forster, via les pouvoirs de la voix, le décor lui aussi se creuse et revendique un rôle sémantique, puis narratif. Paradoxalement, ce décor s'efface ensuite pour faire sens et permettre au spectacle de s'inscrire dans l'espace et le temps. La notion d'envers, ou d'inversion, du décor, est chez Forster d'emblée ambiguë et elle-même presque inversée, car l'apparition du décor correspond déjà à une première subversion des modèles d'écriture. Puis le décor se dérobe et ne laisse qu'une trace à même de dégager les conclusions de l'œuvre de Forster, mais aussi celles de sa conception du romanesque. « Without form, how can there be beauty? », se demande dans le roman Fielding, devant un autre décor, celui des splendeurs vénitiennes. Comme par effet de miroir, cette interrogation fournit à l'épilogue une nouvelle trame esthétique qui inverse une dernière fois le décor forstérien : l'envers renvoie alors à l'autre côté du texte et aux idéaux de l'auteur qui l'informent. En suggérant que la forme est seule garante de l'émergence de la beauté, puis en excluant cette forme et ce décor de son écriture, Forster renonce à la représentation par l'écrit, tout en forgeant un hiatus définitif entre l'émotion et l'intellect. L'envers du décor ne renvoie plus désormais qu'à la beauté brute et réelle du monde sensible que la forme littéraire ne peut prétendre représenter. Chercher à écrire le décor puis ses conditions d'émergence ne peuvent que souligner l'inanité de l'écriture, et inverser, avant de l'annuler, l'entreprise littéraire.
year | journal | country | edition | language |
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2008-06-01 |