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RESEARCH PRODUCT

Quand le protoxyde d’azote ne fait plus rire : épidémiologie, aspects analytiques, incidences clinique et médicojudiciaire

Carole Miguet-alfonsiLaurent KarilaMaude Marillier

subject

03 medical and health sciences0302 clinical medicineHealth Toxicology and Mutagenesis010401 analytical chemistry030216 legal & forensic medicineToxicology01 natural sciences0104 chemical sciences

description

Objectifs Le 11/12/2019, le Senat adoptait la proposition de loi tendant a proteger les mineurs des usages dangereux du protoxyde d’azote (N2O). Cette utilisation n’est pas recente, son abus non plus. Neanmoins, ces dernieres annees sont marquees par un regain d’interet de son usage recreatif, notamment par une population jeune, souvent en association avec d’autres substances psychoactives. Les consequences medicales et medicolegales potentiellement graves que ce detournement peut entrainer en font actuellement une preoccupation grandissante des cliniciens et toxicologues. Il s’agit ici de faire un etat des lieux de la litterature scientifique sur le sujet. Methode Differentes sources d’informations : litterature scientifique, base de donnees Pubmed (mots cles « nitrous oxide » « nitrous oxide abuse « nitrous oxide death » « nitrous oxide toxicology »), forums, reseaux sociaux et medias ont ete consultees avec afin de faire une revue des donnees clinique et toxicologiques sur l’abus de N2O. Resultats Les donnees epidemiologiques du detournement du N2O restent pauvres et certaines sont anciennes. Deja en 1979, Rosenberg decrivait que 20 % des etudiants americains en medecine et dentaire detournaient le N2O. Le Crime Survey for England and Wales 2018/2019 a releve un usage dans l’annee de 8,7 % chez les 16–24 ans (soit la 2e substance la plus utilisee apres le cannabis). En France, des les annees 2000, l’observatoire francais des drogues et des toxicomanies decrivait des usages grandissants dans le milieu festif techno-alternatif. Aujourd’hui, l’utilisation semble s’etre elargie a des espaces festifs plus generalistes. Peu de donnees sur le detournement par les jeunes sont disponibles. L’etude I-SHARE rapporte une experimentation de N2O chez les etudiants de 24 % et une consommation actuelle de 13,5 %. Ces dernieres annees ont vu un nombre croissant de deces rapportes dans la litterature scientifique en lien avec le N2O. L’origine du deces est principalement accidentelle par intoxication/polyintoxication. La cause de la mort est une asphyxie aigue. En France, un deces lie au N2O a ete rapporte en 2016, chez un jeune homme de 19 ans, en contexte festif. Les donnees toxicologiques restent pauvres en termes de dosages chez l’homme et notamment en contexte medico-legal. Les matrices biologiques utilisees en post mortem sont principalement le sang, les poumons, le foie et les reins. Les methodes analytiques utilisent majoritairement une separation par chromatographie en phase gazeuse (GC) apres extraction des analytes par technique d’espace de tete (HS) et une detection par spectrometrie de masse (MS). Chez le sujet vivant, et compte tenu de sa courte demi-vie, le N2O n’est pas detecte dans le sang et n’est pas non plus recherche dans les depistages urinaires de routine. Les analyses toxicologiques (surveillance biologique de l’exposition en milieu professionnel) se font principalement sur l’air expire ou les urines. Conclusion L’inhalation recreative de protoxyde d’azote est une pratique emergente chez les jeunes. Les cas d’intoxication se multiplient et les repercussions en termes de neurotoxicite et troubles hematologiques peuvent etre graves. Des deces sont rapportes. Une alerte des cliniciens sur ce detournement est necessaire pour a la fois de meilleurs diagnostics et orientation, rendant la prise en charge rapide des patients. Preserver les professionnels au contact du gaz fait egalement partie des recommandations, les cas d’intoxication accidentelle et de detournements du produit lies a son acces facile sont des consequences largement rapportees. L’analyste doit etre en mesure de repondre favorablement a la demande de recherche de N2O dans les matrices biologiques et l’analyse dans les prelevements post-mortem est a approfondir. Enfin, l’education des populations, notamment via des campagnes d’information aupres des jeunes, reste un facteur determinant dans la politique de prevention de l’usage des substances psychoactives.

https://doi.org/10.1016/j.toxac.2020.07.002