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RESEARCH PRODUCT

Une expérience de lutte génétique contre Culex pipiens fatigans Wied., 1828

H. Laven

subject

ParasitologyBiologyHumanities

description

Le croisement entre les membres de populations allopatriques du complexe de Culex pipiens peut donner lieu a quatre resultats differents. La majorite des populations produit une descendance normale dans les croisements reciproques alors que certains autres donnent des descendants dans une direction et que les embryons n’eclosent pas dans la direction opposee. D’autres croisements sont infeconds dans les deux directions. Cette absence de descendance est due a une incompatibilite cytoplasmique qui est cytoplasmique- ment hereditaire. Elle demeure constante dans la lignee femelle pendant un nombre indefini de generations. Le spermatozoide est bloque dans un croisement incompatible avant qu’il ne fusionne avec le noyau ovulaire haploide et, si des embryons se developpent, ils le font a partir d’un ovule haploide et meurent avant l’eclosion.On connait vingt types differents de croisement dans le complexe de Culex pipiens et il est possible de preciser quelle est la souche du complexe, ou parfois les souches, qui sont incompatibles avec une certaine population de Culex pipiens d’un point donne du globe. Il est possible d’introduire des caracteres geniques desirables dans une souche incompatible sans changer l’incompatibilite cytoplasmique et l’on peut adapter ainsi des souches de regions temperees a des environnements tropicaux.Il serait souhaitable d’effectuer des lâchers de mâles incompatibles dans une population naturelle dans le cadre de la lutte contre Culex pipiens . Des experiences effectuees dans des cages montrent que les femelles sont incapables de faire la discrimination entre les mâles normaux et les mâles incompatibles ; la competitivite des mâles depend en grande partie des conditions de l’alimentation au cours du developpement larvaire. Des populations d’elevage, presentant un taux initial d’un mâle incompatible pour un mâle normal, ont ete eradiquees en trois ou quatre generations.L’Organisation Mondiale de la Sante a cautionne une experience pilote effectuee avec la collaboration de l’Unite de Recherches sur les Filarioses a Rangoon. On utilisa une souche de Culex pipiens fatigans ayant le cytoplasme d’une souche de Paris et le genome d’une souche de Fresno (Californie) consideree comme etant mieux adaptee aux conditions ecologiques de la Birmanie que la souche pure de Paris. D’aout a octobre 1966, on testa l’incompatibilite des mâles avec des femelles provenant de vingt-cinq populations naturelles de Rangoon et de ses environs. Ces femelles deposerent au total 1.472 pontes ou l’on decomptait 130.455 œufs. 180 larves seulement arriverent a l’eclosion (0,14 %).Le travail sur le terrain fut effectue a Okpo, village situe a 25 km environ au nord de Rangoon, entoure de rizieres seches pendant l’hiver. On estima que la densite de la population de moustiques variait d’un minimum de 2.000 mâles et 2.000 femelles jusqu’a 10.000 mâles et 10.000 femelles suivant les jours, cette variation dependant surtout des fluctuations du nombre et de l’etendue des gites larvaires.Des mâles incompatibles furent lâches entre fevrier et mai 1967. On lâcha tous les jours 5.000 mâles incompatibles du 16 mars au 6 mai. En raison du nombre initial bas de lâchers, le pourcentage de pontes non ecloses provenant de croisements incompatibles demeurait bas (semaines 1-4 ; 4,4-11,6 %). Peu apres le lâcher d’un nombre optimal de 5.000 mâles incompatibles par jour (fleche dans la fig. 1), le pourcentage de pontes inviables augmenta jusqu’a une moyenne de 19,4 % (cinquieme semaine, 21 au 27 mars) en depit d’un accroissement presque decuple de la taille de la population au cours des quatre premieres semaines (70 pontes par jour pendant la premiere semaine, 625 pontes par jour durant ta quatrieme semaine). On constata au cours des sept jours suivants (28 mars au 3 avril) un leger accroissement jusqu’a 24,8 % ; durant la semaine suivante (4 au 10 avril), on atteignait 30,7 %. Le pourcentage des pontes inviables s’accrut alors plus rapidement. Il atteignait 39,0 % du 11 au 17 avril (huitieme semaine) et 70,4 % du 25 avril au ler mai (dixieme semaine). Une nouvelle poussee de production elevee dans les gites larvaires, debutant a la dixieme semaine, fut de toute evidence rendue inefficace par le haut pourcentage de pontes sans eclosion. Du 2 a.u 8 mai (onzieme semaine), le pourcentage atteignit 85,5 % et l’on obtenait enfin 100 % de pontes inviables les 9 et 10 mai. La production de nouvelles larves etait donc arretee et aucun adulte ne devait eclore apres dix jours environ. La mousson debuta malheureusement le 11 mai et l’experience dut etre interrompue.Les resultats de cette experience montrent que le facteur d’incompatibilite est capable d’agir dans la nature et qu’apres le lâcher d’un nombre adequat de mâles incompatibles, on peut eradiquer une papulation de C. fatigans en trois mois environ ou en cinq ou six generations.

https://doi.org/10.1051/parasite/1971463s117